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cours, revint sur ses pas, descendit et remonta des escaliers, rencontra diverses personnes, ne songea plus à leur demander son chemin, et se trouva enfin, comme au sortir d’un rêve, à l’entrée d’une vaste salle remplie d’objets bizarres et confus, au seuil de laquelle un personnage grave et poli la salua avec beaucoup de courtoisie, et l’invita à entrer.

La Porporina reconnut le très-docte académicien Stoss, conservateur du cabinet de curiosités et de la bibliothèque du château. Il était venu plusieurs fois chez elle pour lui faire essayer de précieux manuscrits de musique protestante, des premiers temps de la réformation, trésors calligraphiques dont il avait enrichi la collection royale. En apprenant qu’elle cherchait une issue pour sortir du palais, il s’offrit aussitôt à la reconduire chez elle ; mais il la pria si instamment de jeter un coup d’œil sur le précieux cabinet confié à ses soins, et dont il était fier à juste titre, qu’elle ne put refuser d’en faire le tour, appuyée sur son bras. Facile à distraire comme toutes les organisations d’artiste, elle y prit bientôt plus d’intérêt qu’elle ne s’était crue disposée à le faire, et son attention fut absorbée entièrement par un objet que lui fit particulièrement remarquer le très-digne professeur.

« Ce tambour, qui n’a rien de particulier au premier coup d’œil, lui dit-il, et que je soupçonne même d’être un monument apocryphe, jouit pourtant d’une grande célébrité. Ce qu’il y a de certain, c’est que la partie résonnante de cet instrument guerrier est une peau humaine, ainsi que vous pouvez l’observer vous-même par l’indice du renflement des pectoraux. Ce trophée, enlevé à Prague par Sa Majesté dans la glorieuse guerre qu’elle vient de terminer, est, dit-on, la peau de Jean Ziska du Calice, le célèbre chef de la grande