Page:Sand - La comtesse de Rudolstadt, 2e série.djvu/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11

— Admirablement juste, mais terriblement sévère.

— Et comment puis-je être pour quelque chose dans les préoccupations de son esprit et dans les décisions de son conseil ?

— Cela, je l’ignore, comme Madame peut bien le penser. Beaucoup de secrets s’agitent en tout temps dans ce château, surtout lorsque le prince y vient passer quelques semaines, ce qui n’arrive pas souvent. Un pauvre serviteur tel que moi, qui se permettrait de vouloir les approfondir, n’y serait pas souffert longtemps ; et comme je suis le doyen des personnes attachées à la maison, Madame doit comprendre que je ne suis ni curieux ni bavard ; autrement…

— J’entends, monsieur Matteus. Mais sera-ce une indiscrétion de vous demander si la prison que subit le chevalier est rigoureuse ?

— Elle doit l’être, Madame. Quoique je ne sache rien de ce qui se passe dans la tour et dans les souterrains, j’y ai vu entrer plus de gens que je n’en ai vu sortir. J’ignore s’il y a des issues dans la forêt : pour moi, je n’en connais pas dans le parc.

— Vous me faites trembler, Matteus. Serait-il possible que j’eusse attiré sur la tête de ce digne jeune homme des malheurs sérieux ? Dites-moi, le prince est-il d’un caractère violent ou froid ? Ses arrêts sont-ils dictés par une indignation passagère ou par un mécontentement réfléchi et durable ?

— Ce sont là des détails dans lesquels il ne me convient pas d’entrer, répondit froidement Matteus.

— Eh bien, parlez-moi du chevalier, au moins. Est-il homme à demander et à obtenir grâce, ou à se renfermer dans un silence hautain ?

— Il est tendre et doux, plein de respect et de soumission pour Son Altesse. Mais si Madame lui a confié