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de sa vie. Cependant, lorsqu’elle l’eut fait causer pendant plus d’une heure, elle remarqua qu’elle n’était pas plus avancée qu’auparavant. Soit qu’il eût joué la simplicité pour étudier les pensées et les sentiments de Consuelo, soit qu’il ne sût rien relativement à l’existence des Invisibles et à la part que son maître prenait à leurs actes, il se trouva que Consuelo flottait dans une confusion étrange de notions contradictoires. Sur tout ce qui touchait à la position sociale du prince, Matteus s’était retranché dans l’impossibilité de manquer au silence rigoureux qu’on lui avait imposé. Il haussait, il est vrai, les épaules, en parlant de cette bizarre injonction. Il avouait qu’il ne comprenait pas la nécessité de porter un masque pour communiquer avec les personnes qui s’étaient succédé à des intervalles plus ou moins rapprochés, et pour des retraites plus ou moins longues, dans le pavillon. Il ne pouvait s’empêcher de dire que son maître avait des caprices inexplicables, et se livrait à des travaux incompréhensibles ; mais toute curiosité, de même que toute indiscrétion, était paralysée chez lui par la crainte de châtiments terribles, sur la nature desquels il ne s’expliquait pas. En somme, Consuelo n’apprit rien, sinon qu’il se passait des choses singulières au château, que l’on n’y dormait guère la nuit, que tous les domestiques y avaient vu des esprits, que Matteus lui-même, qui se déclarait hardi et sans préjugés, avait rencontré souvent l’hiver, dans le parc, à des époques où le prince était absent et le château désert, des figures qui l’avaient fait frémir, qui étaient entrées là sans qu’il sût comment et qui en étaient sorties de même. Tout cela ne jetait pas une grande clarté sur la situation de Consuelo. Il lui fallut se résigner à attendre le soir pour envoyer cette nouvelle pétition :

« Quoi qu’il en puisse résulter pour moi, je demande