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inscriptions mentent quand elles disent : Ici reposent les Rudolstadt ! Les Rudolstadt sont tous debout, tous vivants et agissants dans le monde selon la volonté de Dieu. Il n’y a sous ces marbres que des ossements, des formes où la vie s’est produite et qu’elle a abandonnées pour revêtir d’autres formes. Bénies soient les cendres des aïeux ! bénis soient l’herbe et le lierre qui les couronnent ! bénies la terre et la pierre qui les défendent ! mais béni, avant tout, soit le Dieu vivant qui dit aux morts : « Levez-vous et rentrez dans mon âme féconde ! où rien ne meurt, où tout se renouvelle et s’épure ! »

— Liverani ou Ziska Trismégiste, est-ce vous que je retrouve ici sur la tombe de vos ancêtres ? s’écria Spartacus éclairé d’une certitude céleste.

— Ni Liverani, ni Trismégiste, ni même Jean Ziska, répondit l’inconnu. Des spectres ont assiégé ma jeunesse ignorante ; mais la lumière divine les a absorbés, et le nom des aïeux s’est effacé de ma mémoire. Mon nom est homme et je ne suis rien de plus que les autres hommes.

— Vos paroles sont profondes, mais elles indiquent de la méfiance, reprit le maître. Fiez-vous à ce signe ; ne le reconnaissez-vous pas ? »

Et aussitôt Spartacus lui fit les signes maçonniques des hauts grades.

« J’ai oublié ce langage, répondit l’inconnu. Je ne le méprise pas, mais il m’est devenu inutile. Frère, ne m’outrage pas en supposant que je me méfie de toi. Ton nom, à toi aussi, n’est-il pas homme ? Les hommes ne m’ont jamais fait de mal, ou, s’ils m’en ont fait, je ne le sais plus. C’était donc un mal très-borné, au prix du bien infini qu’ils peuvent se faire les uns aux autres et dont je dois leur savoir gré d’avance.

— Est-il possible, ô homme de bien, s’écria Spartacus,