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charger d’empoisonner à demi les gens pour les amener, à leur insu, dans ce château, ne pouvait agir comme il le faisait sans y être secrètement autorisé. C’est un piège qu’on me tend, pensa-t-elle. C’est une série d’épreuves qui commence. Voyons, et observons l’attaque.

« Il faut donc, madame, continua le docteur, que je vous dise où et chez qui vous êtes. »

« Nous y voilà ! » se dit Consuelo ; et elle se hâta de répondre : « Grand merci, monsieur le docteur, je ne vous l’ai pas demandé, et je ne désire pas le savoir.

Ta ta ta ! reprit Supperville, vous voilà tombée dans la voie romanesque où il plaît au prince d’entraîner tous ses amis. Mais n’allez point donner sérieusement dans ces sornettes-là : le moins qui pourrait vous en arriver serait de devenir folle et de grossir son cortège d’aliénés et de visionnaires. Je n’ai pas l’intention, pour ma part, de manquer à la parole que je lui ai donnée de ne vous dire ni son nom ni celui du lieu où vous vous trouvez. C’est là d’ailleurs ce qui doit le moins vous préoccuper ; car ce ne serait qu’une satisfaction pour votre curiosité, et ce n’est pas cette maladie que je veux traiter chez vous ; c’est l’excès de confiance, au contraire. Vous pouvez donc apprendre, sans lui désobéir et sans risquer de lui déplaire (je suis intéressé à ne pas vous trahir), que vous êtes ici chez le meilleur et le plus absurde des vieillards. Un homme d’esprit, un philosophe, une âme courageuse et tendre jusqu’à l’héroïsme, jusqu’à la démence. Un rêveur qui traite l’idéal comme une réalité, et la vie comme un roman. Un savant qui, à force de lire les écrits des sages et de chercher la quintessence des idées, est arrivé, comme don Quichotte après la lecture de tous ses livres de chevalerie, à prendre les auberges pour des châteaux, les galériens pour d’innocentes victimes, et les moulins à vent