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pable, où l’on voit arriver des gens du monde qui ne se doutent de rien, où l’on donne des fêtes, où l’on déploie l’appareil d’une existence princière, frivole et inoffensive. Ce château-là couvre et cache l’autre, qui est un petit monde souterrain assez habilement masqué. Dans le château invisible s’élucubrent tous les songes creux de Son Altesse. Novateurs, réformateurs, inventeurs, sorciers, prophètes, alchimistes, tous architectes d’une société nouvelle toujours prête, selon leur dire, à avaler l’ancienne demain ou après-demain ; voilà les hôtes mystérieux que l’on reçoit, que l’on héberge, et que l’on consulte sans que personne le sache à la surface du sol, ou du moins sans qu’aucun profane puisse expliquer le bruit des caves autrement que par la présence d’esprits follets et de revenants tracassiers dans les œuvres basses du bâtiment. Maintenant concluez : les susdits charlatans peuvent être à cent lieues d’ici, car ils sont grands voyageurs de leur nature, ou à cent pas de nous, dans de bonnes chambres à portes secrètes et à double fond. On dit que ce vieux château a servi autrefois de rendez-vous aux francs-juges, et que depuis, à cause de certaines traditions héréditaires, les ancêtres de notre prince se sont toujours divertis à y tramer des complots terribles, qui n’ont jamais, que je sache, abouti à rien. C’est une vieille mode du pays, et les plus illustres cerveaux ne sont pas ceux qui y donnent le moins. Moi, je ne suis pas initié aux merveilles du château invisible. Je passe ici quelques jours de temps en temps, quand ma souveraine, la princesse Sophie de Prusse, margrave de Bareith, me donne la permission d’aller prendre l’air hors de ses États. Or, comme je m’ennuie prodigieusement à la délicieuse cour de Bareith, qu’au fond j’ai de l’attachement pour le prince dont nous parlons, et que je ne suis pas fâché de jouer parfois un petit tour au grand Frédé-