Page:Sand - La comtesse de Rudolstadt, 2e série.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
45

maintenant pour Liverani. Le lendemain, elle attendit le rouge-gorge avec anxiété, le rouge-gorge ne vint pas. Avait-il été saisi au passage par de farouches argus ? L’humeur que lui donnait cette ceinture de soie et ce fardeau pesant pour lui l’avait-il empêché de sortir ? Mais il avait tant d’esprit, qu’il se fût rappelé que Consuelo l’en avait délivré la veille, et il fût venu la prier de lui rendre encore ce service.

Consuelo pleura toute la journée. Elle qui ne trouvait pas de larmes dans les grandes catastrophes, et qui n’en avait pas versé une seule sur son infortune à Spandaw, elle se sentit brisée et consumée par les souffrances de son amour, et chercha en vain les forces qu’elle avait eues contre tous les autres maux de sa vie.

Le soir elle s’efforçait de lire une partition au clavecin, lorsque deux figures noires se présentèrent à l’entrée du salon de musique sans qu’elle les eût entendues monter. Elle ne put retenir un cri de frayeur à l’apparition de ces spectres ; mais l’un d’eux lui dit d’une voix plus douce que la première fois :

« Suis-nous. »

Et elle se leva en silence pour leur obéir. On lui présenta un bandeau de soie en lui disant :

« Couvre tes yeux toi-même, et jure que tu le feras en conscience. Jure aussi que si ce bandeau venait à tomber ou à se déranger, tu fermerais les yeux jusqu’à ce que nous t’ayons dit de les ouvrir.

— Je vous le jure, répondit Consuelo.

— Ton serment est accepté comme valide », reprit le conducteur.

Et Consuelo marcha comme la première fois dans le souterrain ; mais quand on lui eut dit de s’arrêter, une voix inconnue ajouta :

« Ôte toi-même ce bandeau. Désormais personne ne