Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/109

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lui faire croire que je suis partie pour la France, comme je l’en ai menacé.

— À ton plaisir, ma belle ; je te salue et te laisse ma voiture. Quant à moi, j’ai peu de goût pour ce pays et pour cette auberge.

— Si tu n’étais pas un sot, tu me vengerais, Lélio !

— Merci ! je ne suis pas offensé ; tu ne l’es pas davantage, peut-être ?

— Oh ! je le suis mortellement, Lélio !

— Il aura refusé de te donner pour vingt-cinq mille francs de gants blancs, et il aura voulu te donner cinquante mille francs de diamants ; quelque chose comme cela, sans doute ?

— Non, non, Lélio, il a voulu se marier !

— Pourvu que ce ne soit pas avec toi, c’est une envie très pardonnable.

— Et ce qu’il y a de plus affreux, c’est qu’il s’était imaginé de me faire consentir à son mariage, et conserver mes bonnes grâces. Après une pareille insulte crois-tu qu’il a eu l’audace de m’offrir un million, à condition que je le laisserais se marier, et que je lui resterais fidèle !

— Un million ! diable ! voilà bien le quarantième million que je te vois refuser, ma pauvre Checchina. Il y aurait de quoi entretenir une famille royale avec les millions que tu as méprisés !

— Tu plaisantes toujours, Lélio. Un jour viendra où tu verras que, si j’avais voulu j’aurais pu être reine tout comme une autre. Les sœurs de

Napoléon sont-elles donc plus belles que moi ? Ont-elles plus de talent, plus d’esprit, plus d’énergie ! Ah ! que je m’entendrais bien à tenir un royaume !

— À peu près comme à tenir des livres en partie double dans un comptoir de commerce. Allons ! tu as mis ta robe de chambre à l’envers, et tu essuies les pleurs de tes beaux yeux avec un de tes bas de soie. Fais trêve pour quelques instants à ces rêves d’ambition, habille-toi, et partons.

Tout en regagnant la villa de Cafaggiolo et en laissant ma compagne de voyage donner un libre cours à ses déclamations héroïques, à ses divagations et à ses hâbleries,