Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/121

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je pense, supposer que la laideur et la vieillesse ne sont pas de rigueur chez une patricienne éprise d’un artiste. Il s’en est trouvé de jeunes et belles qui ont eu des yeux, et puisque tu me forces à te dire des choses ridicules dans un langage ridicule, pour te fermer la bouche, apprends que l’objet de ma flamme a quinze ans, et qu’elle est belle comme la déesse Cypris, dont tu apprends par cœur les prouesses en bouts rimés.

— Lélio ! s’écria la Checchina en éclatant de rire, tu es le fat le plus insupportable que j’aie jamais rencontré.

— Si je suis fat, belle princesse, m’écriai-je, il y a un peu de votre faute, à ce qu’on prétend.

— Eh bien ! dit-elle, si tu ne mens pas, si ta maîtresse est digne par sa beauté des folies que tu vas faire pour elle, prends bien garde à une chose, c’est qu’avant huit jours tu seras désespéré.

— Mais qu’avez-vous donc aujourd’hui, signora Checchina, pour me dire des choses si désobligeantes ?

— Lélio, ne rions plus, dit-elle en posant sa main sur la mienne avec amitié. Je te connais mieux que tu ne te connais toi-même. Tu es sérieusement amoureux, et tu vas souffrir…

— Allons ! allons, Checca, sur tes vieux jours tu te retireras à Malamocco, et tu y diras la bonne ou la mauvaise aventure aux bateliers des lagunes ; en attendant, laisse-moi, belle sorcière, affronter la mienne sans lâches pressentiments.

— Non ! non ! Je ne me tairai pas que je n’aie tiré ton horoscope. S’il s’agissait d’une femme faite pour toi, je ne voudrais pas t’inquiéter ; mais une noble, une femme du monde, marquise ou bourgeoise, il m’importe, je leur en veux ! Quand je vois cet imbécile de Nasi me négliger pour une créature qui ne me va pas, je parie, au genou, je me dis que tous les hommes sont vains et sots. Ainsi,