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Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/133

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l’accordeur de pianos. Mais ces deux jeunes filles, qui avaient les yeux rouges, n’échappèrent point à l’œil clairvoyant du valet de pied. Il me regarda avec une attention très grande, et, quand la voiture s’éloigna, il se retourna plusieurs fois pour me suivre des yeux. Je crus bien me rappeler confusément ses traits ; mais je n’avais pas osé le regarder en face, et je ne pensais guère à chercher où j’avais rencontré cette grosse face pâle et barbue.

— Lélio, Lélio ! me dit la Checchina en soupant, vous êtes bien joyeux aujourd’hui. Prenez garde de pleurer demain, mon enfant.

À minuit, j’avais escaladé le mur du parc ; mais à peine avais-je fait quelques pas dans l’allée qu’une main saisit mon manteau. À tout événement, je m’étais muni de ce que dans mon village nous appelions un petit couteau de nuit ; j’allais en faire briller la lame, lorsque je reconnus la belle Lila.

— Un mot bien vite, seigneur Lélio, me dit-elle à voix basse ; ne dites pas que vous êtes marié.

— Qu’est-ce à dire, mon aimable enfant ? Je ne le suis pas.

— Cela ne me regarde pas, reprit Lila ; mais je vous en supplie, ne parlez pas de cette dame qui demeure avec vous.

— Tu es donc dans mes intérêts, ma bonne Lila ?

— Oh ! non, monsieur, certainement, non ! Je fais tout ce que je peux pour empêcher la signora de commettre toutes ces imprudences. Mais elle ne m’écoute pas, et si je lui disais ce qui peut et ce qui doit l’éloigner pour toujours de vous… je ne sais ce qui en arriverait !

— Que veux-tu dire ? Explique-toi.

— Hélas ! vous avez vu aujourd’hui combien elle est exaltée. C’est un caractère si singulier ! Quand on la chagrine, elle est capable de tout. Il y a un mois, lorsqu’on l’a séparée de sa mère pour l’enfermer ici, elle parlait