Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/177

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se fût jouée des comédiens, ce n’eût pas été dans l’ordre. Mais, au reste, tout ceci est fort heureux, et vous avez eu là une idée bonne et courageuse. Vous auriez conservé des soupçons et souffert longtemps, tandis que vous voilà rassurée, n’est-il pas vrai, marchesina mia ? Et vous croyez bien que j’ai un trop grand cœur pour vous trahir en aucune façon ? Allons, mon cher ange, il faut retourner auprès de vos parents, et Lélio ira vous voir aussitôt que vous le voudrez. Soyez tranquille. Je vous l’enverrai, moi, et j’empêcherai bien qu’il ne vous donne d’autres sujets de chagrin. Ah ! poverina, les hommes sont au monde pour désoler les femmes, et le meilleur d’entre eux ne vaut pas la dernière d’entre nous. Vous êtes une pauvre enfant qui ne connaît pas encore la souffrance. Cela ne viendra que trop tôt si vous livrez votre pauvre cœur au tourment d’amour, oimè !

Francesca ajouta bien d’autres choses toutes pleines de bonté et de sens. En même temps qu’Alezia était un peu blessée de cette familiarité naïve, elle était touchée de tant de bienveillance et vaincue par tant de franchise. Elle ne répondait pas encore aux caresses de Checca ; mais de grosses larmes coulaient lentement sur ses joues livides. Enfin son cœur se brisa, et elle se jeta en sanglotant sur le sein de sa nouvelle amie.

— Ô Lélio ! me dit-elle, me pardonnerez-vous l’outrage d’un pareil soupçon ? N’accusez que l’état maladif où je suis, depuis quelques jours, de corps et d’esprit. C’est Lila qui, croyant me guérir et voulant m’empêcher de faire ce qu’elle appelle un coup de tête, m’a confié cette nuit que vous viviez ici avec une très belle personne qui n’était pas votre sœur, ainsi qu’elle l’avait cru d’abord, mais votre femme ou votre maîtresse. Vous pensez bien que je n’ai pas pu fermer l’œil ; j’ai roulé dans ma tête les projets les plus tragiques et les plus extravagants.