Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/216

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empoisonner leurs chiens, sous prétexte qu’ils avaient eu l’intention de mordre les enfants du village.

Mais l’artifice tourna contre son auteur ; les frères Mathieu comprirent bientôt de quoi il s’agissait. Paysans eux-mêmes, et paysans marchois, qui plus est, ils savaient les ruses de la guerre. Ils commencèrent par lâcher pied, et, quittant leur habitation de Fougères, ils s’allèrent fixer dans une autre propriété qu’ils avaient près de la ville. De cette manière, les vexations eurent moins d’ardeur, ne tombant plus directement sur les objets d’animadversion qu’on voulait expulser. Les paysans continuèrent à faire un peu de pillage, dans un pur esprit de rapine, ayant pris goût à la chose. Mais les Mathieu se soucièrent médiocrement d’un déficit momentané dans leurs revenus ; ce déficit dût-il durer deux ou trois ans, ils se promirent de le faire payer cher à M. le comte, et se réjouirent de voir les habitants de Fougères contracter des habitudes de filouterie qu’il ne leur serait pas facile désormais de perdre et dont leur nouveau seigneur serait la première victime.

Les négociations durèrent quatre ans, et M. de Fougères dut s’estimer heureux de payer sa terre cent mille francs au-dessus de sa valeur. L’avoué Parquet lui écrivit : « Hâtez-vous de les prendre au mot, car, si vous tardez un peu, ils en demanderont le double. » Le comte se soumit, et le contrat fut rédigé.



II.

Parmi le petit nombre des vieux partisans de la liberté qui voyaient d’un mauvais œil et dans un triste silence le retour de l’ancien seigneur, il y avait un personnage remarquable, et dont, pour la première fois peut-être, dans le cours de sa longue carrière, l’influence se voyait