Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/252

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fond des bois tous les loups de la montagne. Jamais, de mémoire d’homme, on n’avait entendu un pareil vacarme dans le vallon de Fougères. En vain le comte supplia qu’on lui épargnât ces honneurs ; en vain le procureur furieux menaça de faire jouer la pompe-arrosoir de son jardin sur les récalcitrants ; en vain les deux demoiselles se barricadèrent dans leur chambre pour échapper au bruit et à l’ennui de ces adorations. On vit dans cette mémorable soirée combien l’amour des peuples est ardent pour ses maîtres quand il ne les connaît pas. Les pétards, le désordre et les chants se prolongèrent bien avant dans la nuit. Le comte avait donné de l’argent qu’on alla boire au cabaret. Personne ne put dormir dans le village. La mère Féline en eut un peu de mécontentement, et Simon en témoigna beaucoup d’humeur.

Simon se leva au point du jour et alla chercher, dans les retraites les plus désertes des ravins, le repos et le silence que la présence des étrangers avait chassés du village. Dans ses rêves de philosophie poétique, l’état rustique lui avait toujours semblé le plus pur et le plus agréable à Dieu ; lorsque, dans les villes, il avait été choqué des désordres et de la corruption des hommes civilisés, il avait aimé à reporter sa pensée sur ces paisibles habitants de la campagne, sur ce peuple de pâtres et de laboureurs qu’il voyait au travers de Virgile et de la magie des souvenirs de l’enfance. Mais à mesure qu’il avait avancé dans les réalités de la vie, de vives souffrances s’étaient fait sentir. Il voyait maintenant que, là comme ailleurs, l’homme de bien était une exception, que les turpitudes que l’on ne pouvait commettre faute de moyens d’exécution étaient effectivement les seules qu’on ne commît pas ; que ces hommes grossiers n’étaient pas des hommes simples, et que cette vie de frugalité n’était pas une vie de tempérance. Il en était vivement affecté,