Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/254

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dans la montagne. Il fit ce voyage à pied, le long des ravins, lits desséchés des torrents d’hiver. Il resta plusieurs jours absent, et, quand il revint au village, M. de Fougères était parti. Depuis cette époque jusqu’au printemps suivant, le comte habita la ville. Il y loua une maison et y reçut toute la province. Il trouva la même servilité dans toutes les classes. Il était riche, sagement honorable, et, pour des dîners de province, ses dîners ne manquaient pas de mérite. Il était en outre assez bien en cour pour faire obtenir de petits emplois à des gens incapables, ou pour prévenir des destitutions méritées par l’inconduite. Les créatures servent mieux la vanité que les amis. M. de Fougères put bientôt jouir d’un grand crédit et de ce qu’on appelle l’estime générale, c’est-à-dire l’instinct de solidarité dans les intérêts bourgeois. Dès le lendemain de son arrivée à Fougères, il avait mis les ouvriers en besogne. Comme par esprit de représailles, la maison blanche des frères Mathieu avait été convertie en grange, et les greniers à blé du château redevenaient des salles de plaisance. Les grosses réparations furent peu considérables ; la carcasse du vieux donjon était solide et saine. Les maçons furent employés à relever les tourelles qui pouvaient encore servir de communs autour du préau, à déblayer les ruines qui gênaient, à rétrécir et à régulariser autant que possible l’ancienne enceinte. Avec tous ces soins on réussit à faire du château un logis assez laid, fort incommode encore, très froid, mais vaste, et meublé avec une richesse apparente. Comme on vit passer beaucoup de dorures et d’étoffes hautes en couleur, on ne manqua pas de dire d’abord que M. de Fougères déployait un luxe éblouissant ; mais un connaisseur eût facilement reconnu que, dans tous ces objets de parade, il n’y avait aucune valeur réelle. M. de Fougères tenait, dans ses choix, le milieu