Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/264

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elle-même en obtenait rarement un baiser, il se sentait prêt maintenant à entourer cette jeune fille de ses bras et à la presser contre son cœur, non avec le trouble d’un désir amoureux (il était loin d’y songer), mais avec l’effusion d’une tendresse fraternelle pour un enfant blessé ; c’était un caractère trop impétueux, un cœur trop chaste pour subir la contrainte d’une vaine timidité ou pour accepter celle des préjugés, lorsqu’il était vivement ému. Il prit le mouchoir de mademoiselle de Fougères, le trempa dans l’eau et se mit à lui laver les tempes avec tant de soin, d’affection et de simplicité, qu’elle, à son tour, sentit sa méfiance et sa rudesse habituelles céder à l’ascendant d’une irrésistible sympathie. « Dieu merci ! vous n’êtes pas blessée au visage, lui dit-il avec attendrissement ; c’est avec ses ailes ensanglantées que l’insensé vous aura fait ces taches ; mais vos mains ! laissez-les tremper dans l’eau… laissez-moi les voir… il y a vraiment beaucoup de mal !… » Et Simon, qui avait la vue courte, se baissant pour les regarder, en approcha ses lèvres avec un entraînement incroyable. Mademoiselle de Fougères retira brusquement ses mains et fixa sur lui ce regard sévère qui l’avait choqué à la première rencontre. Mais cette fois il trouva sa fierté légitime ; ses yeux lui firent une réponse si amicale, si franche et si persuasive, qu’elle s’adoucit tout à coup ; elle reprit confiance, et lui dit d’un air gai :

« Vous avez du sang sur les lèvres, et savez-vous bien quel sang ?

— C’est du sang aristocratique, répondit Simon, mais c’est le vôtre.

— C’est du sang noble, monsieur, reprit l’Italienne avec hauteur ; c’est du pur sang républicain. Êtes-vous digne de porter un pareil cachet sur la bouche ?

— Juste ciel, s’écria Simon en se levant, si je n’en