Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/281

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roulait un écheveau de fil de chanvre sur une noix ; Italia, perchée sur le piveau du dévidoir, et conservant encore un peu d’irritabilité, poussait de temps en temps un petit cri aigre-doux, allongeait le bec pour saisir le fil, mais sans oser toucher aux doigts de son institutrice ; mademoiselle Parquet, assise sur le buffet, lisait tout haut le livre de Ruth dans la vieille Bible de la famille Féline, dont le caractère était si fin que Jeanne ne pouvait plus le distinguer. Quant à mademoiselle de Fougères, fatiguée d’une course rapide qu’elle avait faite avec Sauvage dans la matinée, elle s’était assise sur une botte de pois secs, aux pieds de Jeanne ; et, cédant au bien-être que lui apportaient la fraîcheur, le repos, le bruit monotone et doux de la voix qui lisait, elle s’était laissée aller au sommeil. Jeanne, semblable à la vieille Noémi, avait attiré sur ses genoux la tête de cette fille chérie, et chassait avec tendresse les insectes dont le bourdonnement eût pu la tourmenter. Simon entra dans ce moment. Il arrivait de Nevers ; on ne l’attendait pas encore. Il fit un pas et resta immobile. Le soleil, glissant à travers le feuillage de la croisée et tombant en poussière d’or sur le front humide et sur les cheveux de jais de Fiamma, lui montra d’abord le dernier objet qu’il dût s’attendre à rencontrer dans sa cabane et sur le giron de sa mère. Il venait de faire bien des efforts depuis trois mois pour chasser de son âme l’image de cette femme, et c’était là qu’il la retrouvait ! Il crut rêver, resta quelques instants sans pouvoir articuler un mot ; et enfin, joignant les mains, il murmura une parole que ni sa mère ni Bonne ne pouvaient comprendre : Ô fatum ! Fiamma reconnut sa voix et n’ouvrit pas les yeux. Ce fut le premier artifice de sa vie.

L’amour n’est que magie et divination. Elle vit à travers ses paupières abaissées et frémissantes de curiosité