Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/36

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elle me faisait étudier et répéter les principes, dont jusque-là je n’avais pas eu la moindre idée, bien que je m’y fusse conformé par instinct en m’abandonnant à mon chant naturel.

Mes progrès furent rapides ; je cessai tout service pénible. La signora prétendit que le double mouvement des rames la fatiguait, et afin que Mandola ne se plaignît pas d’être seul chargé de tout le travail, son salaire fut doublé. Quant à moi, j’étais toujours sur la gondole, mais assis à la proue, et occupé seulement à chercher dans les yeux de ma patronne ce qu’il fallait faire pour lui être agréable. Ses beaux yeux étaient bien tristes, bien voilés. Sa santé s’améliorait par instants, et puis s’altérait de nouveau. C’était là mon unique chagrin ; mais il était profond.

Elle perdait de plus en plus ses forces, et l’aide de nos bras ne lui suffisait plus pour monter les escaliers. Mandola était chargé de la porter comme un enfant, comme je portais la petite Alezia. Cette fillette devenait chaque jour plus belle ; mais le genre de sa beauté et son caractère en faisaient bien l’antipode de sa mère. Autant celle-ci était blanche et blonde, autant Alezia était brune. Ses cheveux tombaient déjà en deux fortes tresses d’ébène jusqu’à ses genoux ; ses petits bras ronds et veloutés ressortaient comme ceux d’une jeune Mauresque sur ses vêtements de soie, toujours blancs comme la neige ; car elle était vouée à la Vierge. Quant à son humeur, elle était étrange pour son âge. Je n’ai jamais vu d’enfant plus grave, plus méfiant, plus silencieux. Il semblait qu’elle eût hérité de l’humeur altière du seigneur Torquato. Jamais elle ne se familiarisait avec personne ; jamais elle ne tutoyait aucun de nous. Une caresse de Salomé lui semblait une offense, et c’est tout au plus si, à force de la porter, de la servir et de l’aduler, j’obtenais une fois