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Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/58

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poupées, à l’endroit du cœur, avec de longues épingles, et quelquefois elle restait des heures entières absorbée dans le plaisir muet et profond de ce jeu étrange.

Le soir, Mandola vint me trouver dans ma chambre. Il avait l’air gauche et embarrassé. Il avait beaucoup à me dire, mais il ne trouvait pas un mot. Sa figure était si bizarre que je partis d’un éclat de rire.

— Vous avez tort, Nello, me dit-il d’un air peiné ; je suis votre ami, vous avez tort !

Il voulait se retirer, je courus après lui, j’essayai de le faire s’expliquer ; ce fut impossible. Je voyais bien qu’il avait le cœur plein de sages réflexions et de bons conseils ; mais l’expression lui manquait, et toutes ses phrases avortées se terminaient, dans son patois mêlé de toutes les langues, par cette sentence : E molto delica, delicatissimo.

Enfin, je réussis à comprendre que le bruit s’était répandu, dans la maison, de mon prochain mariage avec la signora. Quelques mots d’impatience qu’on lui avait entendu dire à Salomé avaient suffi pour faire naître cette opinion. La signora avait dit textuellement en parlant de moi :

— Le temps n’est pas loin où vous le servirez, au lieu de lui commander.

Je niai obstinément l’application de ces paroles, et prétendis que je n’y comprenais rien du tout.

— C’est bien, me dit Mandola ; c’est ainsi que tu dois répondre, même à moi qui suis ton ami. Mais j’ai des yeux, je ne te fais pas de questions ; je ne t’en ai jamais fait, Nello ; seulement je viens t’avertir qu’il faut de la prudence. Les Aldini ne cherchent qu’un prétexte pour ôter à la signora la tutelle de la signora Alezia, et la signora mourra de chagrin si on lui enlève sa fille.

— Que dis-tu ? m’écriai-je ; quoi ! on lui enlèverait sa fille à cause de moi !

— S’il était question de mariage, certainement, reprit l’honnête barcarolle ; autrement… comme ce sont