Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/78

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produire de grands effets dans la tragédie. En véritable villageoise, elle était enivrée de la richesse du costume, et s’imaginait réellement être reine quand elle portait le diadème et le manteau. Sa grande taille bien découplée, son allure dégagée et quasi martiale, faisaient d’elle une magnifique statue lorsqu’elle était immobile. Mais à chaque instant le geste exagéré trahissait la jeune barcarolle, et quand je voulais l’avertir en scène de se modérer, je lui disais tout bas :

— Per Dio, non vogar ! non siamo qui sull’Adriatico.

Si la Checchina a été ma maîtresse, c’est ce qu’il vous importe peu de savoir, je présume ; je puis affirmer seulement qu’elle ne l’était point à l’époque dont je vous entretiens, et que je ne devais ses soins affectueux qu’à la bonté de son cœur et à la fidélité de sa reconnaissance. Elle a toujours été pour moi une amie et une sœur dévouée, et s’exposa hardiment mainte fois à rompre avec ses amants les plus brillants, plutôt que de m’abandonner ou de me négliger quand ma santé ou mes intérêts réclamaient son zèle ou son concours.

Elle s’installa donc au pied de mon lit, et ne me quitta pas qu’elle ne m’eût guéri. Son assiduité auprès de moi contrariait bien un peu le comte Nasi, qui pourtant était mon ami sincère, et se fiait à ma parole, mais qui m’avouait à moi-même ce qu’il appelait sa misérable faiblesse. Lorsque j’exhortais la Checchina à ménager les susceptibilités involontaires de cet excellent jeune homme :

— Laisse donc, me disait-elle, ne vois-tu pas qu’il faut l’habituer à respecter mon indépendance ? Crois-tu que, quand je serai sa femme, je consentirai à abandonner mes amis du théâtre et à m’occuper de ce que les gens du monde penseront de moi ? N’en crois rien, Lélio ; je veux rester libre et n’obéir jamais qu’à la voix de mon cœur.

Elle se persuadait assez gratuitement que le