Page:Sand - Laura - Voyages et impressions.djvu/258

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

secourir son ami. Je n’ai pas connu mon grand-père ; mais j’ai su par ma grand’mère ce qu’il pensait de Thérèse, et vingt fois j’ai entendu madame Dupin dire à ceux qui accusaient Rousseau devant elle d’être un père dénaturé : « Oh ! pour cela, nous n’en savons rien, et Rousseau n’en savait rien lui-même. » Une fois, elle dit en haussant les épaules : « Est-ce que Rousseau pouvait avoir des enfants ? »

Rousseau aimait les enfants, cela est certain, et je crois qu’il eût aimé les siens. Je crois aussi que Thérèse, qui avait tant d’empire sur lui, ne les lui eût pas laissé abandonner, si elle n’eût craint des explications périlleuses. Je dis : je crois, mais je ne saurais affirmer, parce que le sophisme était parfois chez Rousseau la conscience même. Il se prouvait des vérités très-contestables, et il se mettait à les pratiquer avec une sincérité complète. Il a donc pu se persuader qu’il faisait son devoir envers ses enfants en ne se chargeant pas de leur sort. Il avait été conduit à cette cruauté de raisonnement par le peu d’aptitude qu’il avait recon-