Page:Sand - Laura - Voyages et impressions.djvu/307

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

jestueuse primevère elatior. Cette année, en montant au-dessus des premières vasques cachées du ruisseau, j’ai découvert, sans convulsions de surprise, et avec une modestie de bon exemple dans le triomphe, scilla italica. Oui-da ! vous ne m’écraserez plus sous la gloire de vos conquêtes ! La scille de l’Apennin a daigné se montrer à moi en grandes touffes riantes et fraîches sur ce vieux terrain celtique, et j’ai été saisi d’un si grand respect, que je n’en ai pris ni une fleur ni un caïeu. Quand la nature vous admet à ces fêtes secrètes, quand elle vous sert un mets exceptionnel, inattendu, invraisemblable, il faudrait bien ne pas commencer par Je mettre dans sa poche comme un convive famélique qui dépouille son hôte. En revoyant la grande touffe de primevère que, l’année passée, j’ai laissé tourmenter par le trop de zèle de Moreau, j’ai éprouvé un remords. Tout ce petit jardin qu’elle s’était fait sous le goutte à goutte du ruisseau, à souffert, et les hampes sont de moitié plus courtes. Si j’étais scilîe ou primevère, et qu’on m’arrachât ainsi mes enfants, je me plaindrais à Dieu.