Page:Sand - Laura - Voyages et impressions.djvu/84

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jour, je fus surpris de voir Nasias dans ma chambre, étendu dans mon vieux fauteuil de cuir, et si profondément endormi, que j’eus le loisir de faire ma toilette avant qu’il eût ouvert les yeux. Il était tellement immobile et livide dans le crépuscule du matin, que, si je l’eusse vu pour la première fois ainsi, il m’eût effrayé comme un spectre. Je m’approchai de lui et le touchai. Il était singulièrement froid, mais il respirait très régulièrement et d’une façon si paisible, que sa figure inquiétante en était toute modifiée. Il paraissait ainsi le plus calme des trépassés et sa laideur étrange avait fait place à une étrange beauté.

Je me disposais à sortir sans bruit pour aller vaquer à mes occupations, lorsqu’il s’éveilla de lui-même et me regarda sans hostilité ni dédain.

― Tu es surpris, me dit-il, de me voir dans ta chambre ; mais sache que, depuis plus de dix ans, je ne me suis pas étendu dans un lit. Cette manière de dormir me serait insupportable. C’est tout au plus si, de temps à autre, en mes jours de paresse, je me couche dans un hamac de soie.