Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/112

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celle qu’on avait appelée la muse de la liberté. Sa voix pure voulait chanter, mais elle était trop douce pour armer des bataillons. Elle prit le parti de s’exprimer selon sa nature, dont le fond était calme, résolu et tenace. Elle fit appel aux cordes de sa volonté stoïque et fière ; elle fut toute simple, elle chanta toute droite, elle regarda son public en face avec une fixité fascinatrice, elle marchât sur lui en étendant les bras comme si elle eût marché à la mort au milieu des baltes avec une indifférence dédaigneuse. Cette interprétation fut un chef-d’œuvre d’intelligence. La première fois qu’elle ressaya devant nous, la première strophe nous étonna, la seconde commença de nous agiter, la troisième nous emporta. Ce n’était pas un appel à l’enthousiasme, c’était comme un défi d’autant plus excitant qu’il était froid et hautain.

— C’est cela ! dit Moranbois, qui, vous vous en souvenez, était le juge infaillible de l’effet, par conséquent du résultat. Ce n’est pas la Marseillaise vociférée aux titis, ni drapée pour les artistes ; c’est la Marseillaise crachée au visage des capons.

Nous ne vîmes le prince qu’à dîner durant tous ces préparatifs. Il avait fort à faire de son côté