Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/135

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vérité, quelque évidente qu’elle fût. Nous montâmes l’escalier en vis de la tour, et nous n’y trouvâmes que les têtes sanglantes des deux malheureux enfants. Elles avaient été tranchées net par le damas dont les Orientaux se servent si cruellement bien, leurs corps n’étaient point là.

— Laissons leurs têtes où elles sont, dit Bellamare à Moranbois, dont les dents claquaient de douleur et de colère. Le prince revient aujourd’hui, il faut qu’il les voie.

— Eh bien, il les verra, répondit Moranbois ; mais je ne veux pas que ces innocents restent en la compagnie de ces charognes de Turcs.

Et, comme il avait besoin d’exhaler sa rage, il arracha les têtes desséchées de leurs supports et les jeta sur le pavé de la cour, où leurs crânes se brisèrent avec un bruit sec.

— Ceci est inutile ! lui disait Bellamare.

Mais il ne put l’empêcher, et nous quittâmes la tour après avoir couvert de nos foulards ces deux malheureuses figures que nous ne voulions pas laisser en spectacle dérisoire à leurs bourreaux. Nous primes la clef de la tour, et, comme nous en sortions, nous vîmes que, malgré le soleil levé, le pont