Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/222

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à la mémoire, et je m’attendais presque à voir entrer le frère Ischirion ou le commandant Nikanor, quand la double porte du fond s’ouvrit, et un grand personnage en robe de chambre de satin cramoisi garnie de fourrure vint à ma rencontre, les bras ouverts. Ce n’était pas le prince Klémenti, ce n’était pas le baron Laurence ; c’était mon ami Laurence, Laurence en personne, un peu engraissé, mais plus beau que jamais.

Je l’embrassai avec joie. Il était donc réconcilié avec son oncle ? il était donc l’héritier présomptif de son titre et de sa richesse ?

— Mon oncle est mort, répondit-il. Il est mort sans me connaître et sans songer à moi ; mais il avait oublié de tester, et, comme j’étais son unique parent…

— Unique ? Votre père…

— Mon pauvre cher père !… mort aussi, mort de joie ! frappé d’apoplexie quand un notaire est venu lui dire sans ménagement que nous étions riches. Il n’a pas compris qu’il perdait son frère. Il n’a vu que le sort brillant qui m’était échu, l’unique espoir, l’unique préoccupation de sa vie ; ce désir était devenu plus intense avec la crainte de ma damnation.