Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/29

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marée qui se fait sentir dans l’Adriatique gagnait l’entrée du bassin, et nous espérions, Marco et moi, qu’elle nous apporterait des coquillages, dont nous étions résolus à nous contenter pour ne pas toucher à la soute aux provisions.

Nous guettâmes le flot pour l’empêcher de remporter les richesses qu’il devait nous livrer. Il n’apporta que des coquilles vides. Impéria, qui avait repris son sang-froid, me pria de lui ramasser les plus jolies. Elle les prit, les tria, et, assise sur une pointe du roc, elle tira de sa poche la petite trousse à ouvrage d’aiguille qui ne la quittait jamais, et se mit à enfiler en collier ces tristes joyaux comme si elle eût dû s’en parer le soir pour aller au bal. Pâle et déjà amaigrie par une nuit de souffrance et d’angoisse mortelle, battue du vent, qui ne jouait pas avec sa chevelure, mais qui semblait vouloir la lui arracher, elle était sérieuse et douce comme je l’avais vue dans le foyer de l’Odéon, sortant de maladie et déjà travaillant à sa guipure, en attendant qu’on l’appelât pour travailler sur la scène.

— Tu la regardes, me dit Bellamare, qui la contemplait aussi ; cette fille est certainement à un