Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/306

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nos dangers, nos souffrances, toutes les causes d’exaltation qui firent, de cette amitié à plusieurs, une sorte d’ivresse collective. C’est à cette époque, c’est au retour de cette émouvante campagne, que l’amour de Laurence commença de me troubler. Je vis clairement qu’il ne l’avait pas vaincu et qu’il en souffrait toujours. Quand il revint me le dire ouvertement, j’avais, cette fois, souffert pour mon compte en son absence. Voici ce qui était arrivé.

» Bellamare m’avait beaucoup fâchée sans le savoir. Il avait appris la mort de sa femme. Il avait parlé de se remarier pour avoir une amie, une compagne, une associée à perpétuité, et il m’avait ingénument consultée en me disant qu’il avait songé à Anna. Elle était bien jeune pour lui, disait-il, mais elle avait eu plusieurs amours et deux enfants. Elle devait avoir soif d’une vie tranquille, car, par nature, elle était sage. Avec un bon mari, elle le serait gaiement et sans regret.

» Je ne montrai aucun dépit. Je parlai à Anna, qui se prit à rire aux éclats ; elle adorait Bellamare, mais finalement. C’était une femme de l’âge et de la tournure de Régine qui convenait, disait-elle, à notre bien-aimé directeur.