Page:Sand - Le Château des désertes - Les Mississipiens, Lévy, 1877.djvu/166

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j’y avais caché, et je le lui montrai mystérieusement. Tout son courage l’abandonna ; elle rougit, et ses yeux se remplirent de larmes. Je vis que Stella était une sensitive, et que je venais de me donner pour jamais ou de faire une lâcheté. Dès ce moment, je ne regardai plus en arrière, et je m’abandonnai tout entier au bonheur, bien nouveau pour moi, d’être chastement et naïvement aimé.

Je faisais le rôle d’Ottavio, et je l’avais fort mal joué jusque-là. Je pris le bras de ma charmante Anna pour entrer en scène, et je trouvai du cœur et de l’émotion pour lui dire mon amour et lui peindre mon dévouement.

A la fin de l’acte, je fus comblé d’éloges, et Cécilia me dit en me tendant la main : — Toi, Ottavio, tu n’as besoin des leçons de personne, et tu en remontrerais à ceux qui enseignent.— Je ne sais pas jouer la comédie, lui répondis-je, je ne le saurai jamais. C’est parce qu’on ne la joue pas ici que j’ai dit ce que je sentais.


XIV. — CONCLUSION.

Je montai dans la loge des hommes pour me débarrasser de mon domino. A peine y étais-je entré, que Stella vint résolument m’y rejoindre. Elle avait arraché vivement son masque ; sa belle chevelure blond-cendré, naturellement ondée, s’était à demi répandue sur son épaule. Elle était pâle, elle tremblait ; mais c’était une âme éminemment courageuse, quoique elle agît par expansion spontanée et d’une manière tout opposée, par conséquent, à celle de la Boccaferri.

— Adorno Salentini, me dit-elle en posant sa main blanche sur mon épaule, m’aimez-vous ?