Page:Sand - Le Château des désertes - Les Mississipiens, Lévy, 1877.djvu/67

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plus. Jusque-là, que voulez-vous faire ? La cour à ma vieille Boccaferri ? En ce cas, prenez garde ! je veille à sa défense comme un jeune chien déjà méfiant et hargneux. Il vous faudra marcher droit avec elle. Si je la respecte, ce n’est pas pour permettre aux autres de s’emparer d’elle, même dans le secret de leurs pensées.

Je fus frappé de l’âpreté de ces dernières paroles de Célio et de l’accent de haine et de dépit qui les accompagna.— Célio, lui dis-je, vous serez jaloux de la Boccaferri, vous l’êtes déjà ; convenez que nous sommes rivaux ! Soyons francs, je vous en supplie, puisque vous dites que la franchise c’est le signe de la force. Vous m’avez dit que vous n’étiez pas son amant et que vous ne vouliez pas l’être ; mais descendez dans le plus profond de votre cœur, et voyez si vous êtes bien sûr de l’avenir ; puis vous me direz si je vais sur vos brisées, et si nous sommes dès aujourd’hui amis ou ennemis.

— Ce que vous me demandez là est délicat, répondit-il ; mais ma réponse ne se fera pas attendre. Je ne mens jamais aux autres ni à moi-même. Je ne serai jamais jaloux de la Cécilia, parce que je n’en serai jamais amoureux… à moins que pourtant elle ne devienne amoureuse de moi, ce qui est aussi vraisemblable que de voir la duchesse devenir sincère et le vieux Boccaferri devenir sobre.

— Et pourquoi donc, Célio ? Si, par malheur pour moi, la Cécilia vous voyait et vous entendait en cet instant, elle pourrait bien être émue, tremblante, indécise…

— Si je la voyais indécise, émue et tremblante, je fuirais, je vous en donne ma parole d’honneur, monsieur Salentini ! Je sais trop ce que c’est que de profiter d’un moment d’émotion et de prendre les femmes par surprise. Ce n’est pas ainsi que je voudrais être aimé d’une femme comme la Boccaferri ; je n’y trouverais aucun