Page:Sand - Le Château des désertes - Les Mississipiens, Lévy, 1877.djvu/88

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un sens. Un peu plus loin, elles s’arrêtèrent et se mirent à briser sans pitié de superbes branches d’arbre vert dont elles firent, les vandales ! un grand tas, qu’elles abandonnèrent ensuite sur la neige, en disant :

« Ma foi, qu’il vienne les chercher, c’est trop froid à manier. »

J’allais les perdre de vue à regret, je l’avoue, car il y avait quelque chose de sympathique et d’excitant pour moi dans la pétulance et la gaieté de ces jolies filles, lorsqu’une d’elles s’écria : « Bon ! j’ai perdu son nœud, son fameux nœud d’épée, que j’avais attaché sur mon capuchon, avec une épingle !

— Eh bien ! dit l’aînée, nous en ferons un autre ; la belle affaire !

— Oh ! il l’avait fait lui-même ! Il prétend que nous ne savons pas faire les nœuds, comme si c’était bien malin ! Il va grogner.

— Eh bien, qu’il grogne, le grognon ! répliqua l’autre, et toutes deux recommencèrent à rire, comme rient les jeunes filles, sans savoir pourquoi, sinon qu’elles ont besoin de rire.

— Tiens ! je le vois, mon nœud ! son nœud ! s’écria la cadette en bondissant vers le fossé ; le voilà qui s’épanouit sur la neige. Oh ! le beau coquelicot !

Elle arriva jusqu’au bord de la terrasse ; mais, au moment de ramasser ce nœud de rubans rouges que j’avais fort bien remarqué, elle partit d’un nouvel éclat de rire : une petite brise soudaine qui venait de s’élever emportait le ruban, et le déposait, à mes pieds, sur la glace du fossé.

Je le ramassai pour le rendre à la belle rieuse, et ce fut alors seulement qu’elle m’aperçut et devint aussi rouge que son nœud de rubans cerise.

— Pour vous le rapporter, Mademoiselle, lui dis-je,