Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/113

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J’empêchai Félicie de répondre ; je voyais bien, à l’orage intérieur que la fierté lui faisait réprimer, qu’elle n’était pas dupe de mon stratagème.

— Félicie, dis-je à Morgeron, n’est pour rien dans tout cela, en ce sens que nous lui parlons d’une chose tout à fait nouvelle pour son esprit. Si j’ai été insensé, qu’elle m’absolve en faveur du motif. Ce n’est ni la cupidité lâche, ni la passion ridicule à mon âge qui m’avaient suggéré l’idée de lui offrir mon éternel dévouement : c’était le besoin de réparer l’injustice de sa destinée et de lui donner la plus grande preuve de respect et d’estime qu’il soit au pouvoir d’un homme de donner à une femme ; mais j’ai réfléchi également là-dessus. Je me suis dit que Félicie Morgeron était trop belle et trop jeune encore pour faire un mariage de pure convenance, ou tout au moins de paisible amitié. Elle doit inspirer l’amour, elle doit y prétendre, et, mon plus grand désir étant de la voir heureuse, je me garderai de lui offrir un sentiment purement paternel. Vous me direz que je n’avais pas besoin de me confesser ainsi devant elle. C’est un scrupule que je n’ai pu vaincre et qui m’aurait troublé, si je ne l’eusse avoué. À présent que j’en suis débarrassé, je suis sûr qu’elle ne m’en veut pas de l’avoir trouvée digne d’un homme sage et, je crois, irréprochable. Ma confession est un hommage que je lui rends et que je lui devais peut-être. Donc, si je ne donne pas suite à mon rêve, elle saura