Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/156

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notre pauvre Jean ? Jusque-là, vous aviez été ma mère, et puis tout à coup je n’ai plus été qu’un ennui et un fardeau ! J’accusais M. Sylvestre, et j’étais injuste. C’est un ange, c’est un dieu pour moi. Il est content de me voir. Il veut que je reste ici ; donc, c’est vous, vous seule qui me repoussez. Faut-il que je sois malheureux ! Qu’est-ce que j’ai donc dit ou pensé de mal pour être malheureux comme cela ?

— Rien, répondit Félicie en me regardant, comme si elle eût voulu me prendre à témoin de chaque parole qu’elle lui adressait. Tu n’as rien fait de mal, mais tu étais contraire à mon mariage avec n’importe qui. Souviens-toi, tu es un enfant gâté, très-jaloux de l’amitié qu’on t’accorde, et cela prouverait que tu n’es pas sûr de la mériter. J’ai craint de te voir manquer de respect à M. Sylvestre, car, une ou deux fois, sans dire rien de mal sur son compte, — la chose ne serait pas possible, — tu m’as parlé de lui avec dépit. Or, je t’avertis, moi, que, si tu n’es pas décidé à le chérir et à le servir comme ton maître et ton meilleur ami, je ne te souffrirai pas auprès de moi. Il veut que tu restes, tu resteras ; mais fais grande attention à ce que je te dis : pas de jalousie, pas de dissimulation, pas d’humeur, pas de plainte ; car je jure qu’au premier mot, au premier regard qui témoignerait que tu lui en veux, tu ne resterais pas une heure dans la maison.

Tonino parut atterré un instant de cette dure mercuriale, qui me blessait moi-même, et tendait à me