Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/256

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je reculai toujours sans bruit, mais je dus bientôt m’arrêter derrière une roche, au delà de laquelle les arbres et les buissons plongeaient à pic dans le précipice de la ravine. Ils vinrent jusque-là, tout près de moi. Par là, il n’y avait plus de sentier à rejoindre : c’était le désert, le silence et l’impunité !

Ils s’assirent si près de moi, que je dus retenir mon haleine.

— Quelle idée tu as, disait Tonino, de venir dans ces broussailles, quand la grotte était si facile à gagner sans être vu de personne !

— Je n’irai pas me livrer à toi, répondit-elle, et subir des embrassements qui m’humilient, parce qu’ils m’ôtent ma volonté, avant que tu aies répondu à ce que je t’ai écrit. Il le faut, je le veux, réponds !

— Crois-tu que, si je le voulais, tu me résisterais ici plutôt que là-bas ?

— Ici, je te résisterais. Rien qu’en élevant la voix, je te donnerais peur. Là-bas, dans cette grotte maudite, j’aurais beau menacer et crier ; c’est là que tu es mon maître, c’est là que… Oh ! la première fois, c’était malgré moi !… Ne fais pas ton méchant sourire… J’ai combattu toute une journée, et, quand je voulais fuir, tu fermais la sortie avec tes bras qui étaient de fer. Tu as employé la force !

— Tu mens !

— Tu m’as tenue prisonnière malgré moi, je le jure devant Dieu !

— Est-ce pour revenir avec des reproches sur des