Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/276

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tiens et dans nos irréprochables tête-à-tête. Elle avait alors énormément pris sur elle, soit qu’elle eût joué une habile comédie, soit qu’elle eût résolu de dompter ses instincts, car elle m’avait semblé la plus chaste des femmes, et jamais impureté secrète ne fut mieux cachée.

Même dans l’effusion d’amour sanctionnée par le mariage, Félicie avait su jouer son rôle. Elle avait soigneusement gardé avec moi le charme de la pudeur, et, en y songeant bien, je concevais qu’elle eût pu comprendre et goûter à son tour le charme des voluptés exquises sans s’imposer l’effort de la ruse. Il y avait tout un côté de son être, délicatement perfectible, par lequel elle appréciait la passion vraie, la sainteté de l’amour exclusif. N’était-elle pas d’autant plus criminelle de vouloir compléter sa vie par les âcres plaisirs de l’adultère ?

Peut-être regardait-elle ceci comme un droit. L’idée admise par certaines écoles philosophiques de développer l’être dans toutes ses manifestations et de le satisfaire dans tous ses appétits avait pu être admise aussi par cette femme incertaine et troublée ; mais aucune doctrine de liberté, quelque cynique qu’elle fût, n’a jamais admis l’imposture systématique. Les partages de sentiment, les promiscuités les plus éhontées ne se sont jamais mises en principe sous la protection d’un époux trompé. Félicie avait regardé comme un grand bienfait de mon affection, comme un grand honneur rendu par moi à son caractère, le