Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/288

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tendre mère, il faut que toute mon existence lui appartienne ?

— Réfléchissez…

Ce mot fit tomber l’audace ingénue de sa défense. Elle douta de ma simplicité, elle eut un frisson, et, profondément humiliée de sa situation, elle alla ouvrir la fenêtre pour respirer.

— Que voulez-vous ! repris-je, un peu cruel dans ma patience ; il faut savoir payer ses plaisirs en ce monde !

— Ses plaisirs ! s’écria-t-elle effarée.

— Les plaisirs purs comme les plaisirs impurs, tout se paye. Ç’a été pour vous une douce joie d’adopter cet enfant et de vous croire sa mère. Ce bonheur a duré des années : il a constitué des droits au fils adoptif.

Elle respira. Elle admira ma candeur, mais elle n’osa plus la discuter, et, le lendemain, dévorée d’une inquiète curiosité, elle alla trouver la Vanina.

Celle-ci n’était pas tout à fait aussi simple qu’elle le paraissait. Elle était femme à l’occasion, et, d’ailleurs, Tonino lui avait toujours donné à entendre ou à deviner que Félicie était encore sourdement éprise et jalouse de lui. Si elle ne craignait pas précisément cette rivalité, elle n’en souffrait pas moins, honnête comme elle l’était, de voir son mari sous la dépendance d’une femme qui, à un moment donné, pouvait lui vendre honteusement ses bienfaits. Voilà en quelle abjection Félicie était tombée dans l’esprit peu