Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/314

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qu’elle n’avait pas besoin de me rappeler l’heure.

— Bah ! me répondit-elle avec une aigreur singulière, cela vous ennuie, de songer à ces choses-là ! Allez travailler là-haut. Je suis sûre qu’il y a longtemps que vous voudriez être seul.

— Qu’avez-vous, Félicie ? lui dis-je en lui prenant la main. Vous ai-je montré quelque lassitude de votre société, quelque impatience de me retirer ?

— Non, répondit-elle avec une amertume croissante. J’ai tort ! C’est vous qui avez toujours raison, n’est-ce pas ?

Elle me quitta sur ces mots cruels et si profondément injustes, que la stupeur m’empêcha d’insister pour savoir ce qui se passait en elle.

Au bout d’un instant, craignant qu’elle ne fût malade, j’allai frapper à la porte de sa chambre ; elle était enfermée.

— Laissez-moi reposer, dit-elle, je n’ai rien, j’ai sommeil. Quel mal y voyez-vous ?

Ainsi elle repoussait mon amitié en reconnaissant qu’elle ne possédait plus mon amour. Je devais m’attendre à cela chez un caractère aussi tendu, et j’en fus néanmoins très-surpris. Je croyais mériter plus d’égards, sinon de reconnaissance. La haine allait-elle naître dans ce cœur tumultueux qui ne savait pas s’attendrir et se fondre ?

Je montai à mon appartement, dont je laissai les portes ouvertes, afin de pouvoir lui porter secours, si ce dépit aboutissait à une crise de chagrin ou de souf-