Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/321

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quait, moi son mari, comme une effronterie. La pitié me quittait. Elle n’était même plus ma pupille ou ma protégée ; c’était pour moi comme une vieille maîtresse qui m’avait quitté par caprice, qui revenait à moi par ennui, et dont la galanterie malsaine me trouvait rassasié et indifférent.

Je ne pus lui répondre un seul mot : le dégoût est muet ; il ne peut pas éveiller le chagrin ni la colère. Il n’y avait plus de langage possible entre nous. Nous ne nous serions pas compris.

Je me levai pour la quitter.

— Ainsi, me dit-elle exaspérée, il vous est indifférent que je parte ou que je reste ?

— Je vous défends de partir, répondis-je froidement.

— Vous m’en empêcherez par la force, vous ? Allons donc !

— Je ne porterai jamais la main sur vous ! J’appellerai vos gens les plus dévoués, je leur montrerai que vous êtes folle, et ils vous empêcheront de courir à votre déshonneur.

— En vous me ferez enfermer ?

— Je vous enfermerai, s’il le faut.

— Dans une maison de fous ?

— Dans votre propre maison. Vous êtes assez riche pour être bien soignée et bien gardée.

— Et vous resterez là comme geôlier en chef ?

— Je resterai à mon poste.

— Dix ans, vingt ans ?