Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/332

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— Oui, je comprends. Pourtant… ne maudissez personne ! ne haïssez pas le souvenir de votre femme !

— Je ne le hais pas. Pourquoi supposez-vous… ?

— Sylvestre, c’est assez dissimuler vis-à-vis l’un de l’autre ! Vous saviez tout, elle me l’a dit la dernière fois que je lui ai parlé. Moi aussi, je savais tout, et depuis longtemps. Il faut savoir pardonner ; il y a des fatalités d’organisation devant lesquelles le médecin est forcément matérialiste… Et si je vous disais que, vous-même, vous avez subi cette fatalité en causant le dégoût de la vie qui a porté votre femme au suicide ?

— Elle vous l’a dit ?

— Non, mais elle m’a répété trois fois : « Il ne peut plus m’aimer ! »

— S’est-elle plainte de mes reproches, de mes emportements ?

— Oh ! bien au contraire ! Elle vous rendait pleine et entière justice ! C’est pourquoi je vous répète : Lisez la lettre et gardez-la ; elle contient probablement quelque allusion à une faute dont vous voulez certainement annuler tout vestige.

— Mais si c’est un testament en faveur de Tonino, comme tout me porte à le croire ?

— Eh bien, qu’importe ? Dans ce cas, vous le remettrez fidèlement et vous saurez ce que vous faites.

L’avis était bon. Quand je fus seul, j’ouvris la lettre, qui était à peine pliée et nullement cachetée. Félicie avait certainement voulu que cet écrit passât sous mes yeux.