Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/53

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frère doit vous relever aux yeux d’un homme juste, et, quant à moi, si vous êtes telle que vous vous êtes montrée hier, si votre vie est un renoncement absolu, un travail incessant pour acquitter la dette de la reconnaissance, je trouve que vous avez droit au respect.

Si !… Vous voyez bien que vous dites si ! C’est-à-dire que, si j’avais une pensée pour moi, si je nourrissais la moindre espérance de bonheur pour mon compte, je ne mériterais plus le respect que vous m’accordez !

— Toute épreuve a son terme. Votre faute… — je me sers de ce mot, ne pouvant apprécier un fait que l’on qualifie ainsi en général, et qui, dans de certaines conditions, peut être simplement un malheur, — a eu des conséquences si graves pour votre frère, que j’aurais une mauvaise opinion de vous, si vous ne l’eussiez réparée par un repentir sérieux et une conduite rigide. À présent, vous offrez, s’il en est ainsi, des garanties complètes à l’opinion, et un homme d’honneur devrait certes s’en contenter.

— Je ne veux pas me marier, reprit-elle ; je ne veux pas être aimée, je ne veux pas être heureuse, je ne le dois pas. Ce que j’ai est à mon frère : un mari ne l’entendrait pas ainsi et m’empêcherait de lui tout sacrifier ; mais je veux savoir si je suis digne d’estime, comme vous le dites. Je veux vous raconter mon histoire avec plus de détails. — Va-t’en, dit-elle à Tonino, qui revenait pour lui dire que Jean dormait