Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/189

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rien de caché pour cette honnête et bonne créature ; je me sentirai plus à l’aise qu’ici, où les allées et venues de mes domestiques m’impatientent.




SCÈNE VI


Sur un chemin.


ÉMILE, LE CURÉ DE SAINT-ABDON.

LE CURÉ. — C’est vous, Émile ? Où allez-vous donc comme ça, à la nuit tombée ?

ÉMILE. — Au prieuré, chez Maurice. J’y vas coucher tous les samedis pour y passer le dimanche.

LE CURÉ. — Diable ! vous avez un bon bout de chemin d’ici à Noirac, et le brouillard menace de s’épaissir. Je puis vous conduire jusqu’à la descente de la Crottée. Ça sera ça de moins à user vos pattes. Montez dans ma carriole, si vous n’avez pas horreur d’un curé, vous ! Oh là ! oh ! bellement, Cocote.

ÉMILE. — M’y voilà, et grand merci, monsieur le curé ! Pourquoi dites-vous que j’ai horreur de vous autres ?

LE CURÉ. — Oh ! parce que… Allez donc, Cocote ! Cette satanée bête s’arrête bien, mais c’est le tout de repartir ! Ah ! ça n’est pas malheureux ! Je dis que c’est un genre que vous vous donnez, de crier toujours et à tout propos : Plus de prêtres ! à bas les calotins !

ÉMILE. — Ceux qui disent cela sont des imbéciles.

LE CURÉ. — Bah ! vous le direz pourtant quand sonnera la cloche du branle-bas.

ÉMILE. — Et d’abord, sonnera-t-elle ?

LE CURÉ. — Oui, un jour ou l’autre. Que j’y sois ou que je n’y sois plus, peu m’importe. Je ne suis pas poltron, et je ferais peut-être au besoin comme un de mes confrères qui, aux jours de la Révolution, alla dire sa messe avec deux pistolets chargés sur l’autel.