tendre une main amie, si je suis libre, si la pauvreté n’y apporte pas, de ma part, un obstacle invincible.
JACQUES. — Eh bien, Céline, commencez, dès cet instant, à mériter le respect. Partons ! Le brouillard se dissipe, car il n’y en a plus ici ; je vais vous conduire à la ville, où votre voiture vous attend, et Florence retournera à son jardin, où le retour du soleil va bientôt lui marquer l’heure de sa tâche.
MYRTO. — Quoi ! déjà ? nous quitter ici… quand il est si loin de son gîte… seul… la nuit ?
FLORENCE. — Je suis jeune, je suis fort, et vous m’avez rendu fier et content de moi. En marchant, je penserai à vous avec une douce satisfaction, et, loin d’être accablé et honteux comme je l’eusse été si nous eussions cédé l’un et l’autre à l’ivresse de la volupté, je me remettrai au travail avec un saint enthousiasme. Relevez-moi de ma promesse, Céline, et permettez-moi de vous quitter ici. Je vous laisse auprès d’un cœur paternel et trois fois saint. Vous, laissez-moi emporter dans mon âme la douce émotion de ce moment solennel qui fait de moi votre ami et votre frère.
MYRTO. — Eh bien, oui, partez, Marigny ! Mon frère, mon ami ! Ah ! que ces mots-là sont doux ! Tenez, je suis heureuse, et je vous vois partir sans colère et sans chagrin. Je veux remercier Dieu, là, à genoux, devant cet autel nu et dévasté où les hirondelles ont abrité leur nid ! Vous n’êtes pas catholiques, vous autres ? Moi, je ne sais pas ce que je suis ; mais je me figure qu’un autel est toujours une chose sacrée, une pierre où se gravent les serments. J’embrasse celle-ci, et j’y jure à Dieu de faire mon possible pour connaître sa loi et pour l’observer. Donnez-moi votre main, Florence, et vous, monsieur Jacques, bénissez ma tête égarée qui s’incline dans la douleur et dans la prière : il me semble que cela me portera bonheur !
Le jour ! le jour ! Voyez cette ligne blanche à l’horizon !