Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/279

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Blâmez-moi, grondez-moi quand je vous déplais ; mais ne me raillez pas, cela me paralyse, cela me tue… Et si vous doutez de mon amour, parce que je n’ai pas encore su vous l’exprimer agréablement, mettez-le à l’épreuve. Ne me demandez pas de l’instruction et de l’esprit, je n’en ai pas ! Mais faites-moi courir, veiller, souffrir, traverser le feu et l’eau, ne fût-ce que pour aller vous cueillir une fleur, vous verrez si je ne m’élance pas au-devant de vos désirs !

DIANE. — Je sais cela, mon ami. Je pourrais vous dire que le plaisir d’attraper un chevreuil ou un sanglier vous en ferait peut-être faire tout autant…

GÉRARD. — Vous n’aimez pas un chasseur ? J’ai cru que vous aimiez la chasse ! Ne l’aimez-vous plus ? je ne chasserai de ma vie ?

DIANE. — C’est trop d’abnégation ! Je ne voudrais pas vous retirer vos plaisirs habituels ; l’ennui vous prendrait auprès de moi. La lecture ne vous passionne guère, et la conversation vous embarrasse…

GÉRARD. — Faut-il s’instruire ? je m’instruirai, si je peux. Si ma tête est de fer, je la briserai contre les murs jusqu’à ce qu’elle s’amollisse.

DIANE. — Ah ! Gérard, que vous me faites de peine ! Tenez, je suis affreusement triste !

GÉRARD. — Mon Dieu est-ce ma faute ? Vous désespérez de moi ! je ne pourrai jamais vous plaire…

DIANE. — Je sens que vous l’auriez pu, au contraire, et votre affection est si grande, si bonne, que l’incertitude où je suis forcée de rester est une anxiété, une torture pour moi.

GÉRARD. — L’incertitude ! toujours l’incertitude !

DIANE. — Eh bien, oui ! je sens depuis longtemps que je dois vous éloigner de moi ; je ne peux pas m’y décider, et ma faiblesse à remplir mon devoir a deux causes : l’estime, l’affection que j’ai pour vous, et la situation où vous êtes.

GÉRARD. — Mon désastre de fortune ? Ah ! Diane, personne n’est plus insouciant que moi à cet égard-là. J’ai des goûts