beaucoup d’erreurs et de blasphèmes passagers, je le crains : mais que ce qui existe aujourd’hui chez le peuple, en matière de foi, ne soit pas de beaucoup plus dangereux et plus coupable, pouvez-vous le nier ?
RALPH. — J’avoue que sous ce rapport je retrouve, après vingt ans de séjour aux colonies, la France beaucoup moins avancée que je ne m’y attendais ; c’est pourquoi je m’effraye de l’athéisme qui doit succéder à des préjugés si tenaces.
JACQUES. — Mais pourquoi voulez-vous que cela finisse absolument par une crise ? Le jour où l’on ne disputera plus sur les mots philosophie et religion, où les Églises constituées admettront que quiconque observe la doctrine évangélique est orthodoxe…
RALPH. — Jamais elles n’admettront pareille chose. Qui dit Église dit Exclusivisme.
JACQUES. — Alors un jour viendra donc où il n’y aura plus d’Églises, car l’esprit humain tend à s’affranchir, même au prix de ses croyances les plus chères. Nous ne pouvons ni hâter ni retarder ce moment ; sauvons au moins la doctrine évangélique en nous-mêmes ; sauvons-la à tout prix, nous aussi, dussions-nous passer pour hérétiques auprès des orthodoxes, pour niais auprès des athées. Défendons-nous des derniers surtout ; ne laissons pas mourir nos âmes ! Mais nous ne sommes pas seuls sous cet arbre, quelqu’un nous écoute. Qui êtes-vous, mon ami, et que voulez-vous ?
FLORENCE. — Je m’appelle Florence, et je suis employé au château. Si je suis indiscret, je me retire. Mais il m’a semblé que vous parliez de choses générales, et votre conversation m’intéressait beaucoup.
JACQUES. — Eh bien, si vous êtes au courant de ce que nous disions, donnez-nous une conclusion.
FLORENCE. — Une conclusion ? Vous vous moquez, monsieur Jacques, car c’est vous qui demeurez là, derrière la grande haie ?
JACQUES. — Précisément.
FLORENCE. — Vous passez pour un vrai philosophe et