Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/44

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voit de si rapides progrès que malgré soi on se surprend à dire : « Est-il possible qu’un ouvrier pense et parle de la sorte ? » Mais vous voyez… ce jeune homme nous avoue qu’il n’a jamais beaucoup songé à l’Évangile, c’est-à-dire qu’avec beaucoup d’intelligence et de cœur peut-être, il n’est pas sûr de sa religion. Pensez-vous qu’il soit une exception parmi ceux qu’on a baptisés depuis le commencement de ce siècle ?




SCÈNE VI


Dans la serre du château de Noirac


FLORENCE, JENNY.

FLORENCE. — Est-ce vous qui m’appelez, mademoiselle ?

JENNY. — Ai-je bien dit votre nom, monsieur ? Pardonnez-moi, je n’y suis pas encore habituée.

FLORENCE. — Vous l’avez très-bien dit. Qu’avez-vous à m’ordonner ?

JENNY. — Oh ! je n’ordonne rien, moi ; je ne suis que la femme de chambre de madame.

FLORENCE. — Je le sais bien ; mais je me ferais un plaisir de recevoir vos ordres.

JENNY. — Vous êtes trop honnête ; mais il ne s’agit pas de moi, c’est madame qui désire que demain matin, quand elle s’éveillera, toutes les jardinières du salon soient renouvelées.

FLORENCE. — Bien ! Mais qu’est-ce que madame appelle le matin ? Midi, n’est-ce pas ?

JENNY. — Oh ! mon Dieu, c’est tout aussi bien minuit que midi, il n’y a précisément pas d’heure pour elle.

FLORENCE. — J’entends ! il faut que les heures et les gens marchent au gré de sa fantaisie.

JENNY. — Vous êtes moqueur, monsieur Florence ! Moi, je ne me moque jamais de madame ; elle est très-bonne, et elle l’a été pour moi en particulier.