Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/71

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JACQUES. — L’amour n’est sanctifié, dans son égoïsme à deux, que parce qu’il donne le bonheur qu’il reçoit. S’il n’en reçoit plus, il ne peut plus en donner, et alors… à quoi sert-il ? à qui profite-il ?

JENNY. — Ah ! je comprends. Il faut donc guérir ? Le peut-on ?

JACQUES. — Difficilement ; mais il faut vouloir guérir, et vous ne le voulez pas. Donc…

JENNY. — Donc j’offense Dieu ?

JACQUES. — Bien moins que ceux qui n’ont pas besoin de guérir, parce qu’ils n’ont jamais souffert ni aimé ; mais enfin vous l’offenseriez à la longue si vous vous obstiniez à accomplir le suicide de votre âme, c’est-à-dire à concentrer vos pensées de dévouement sur un être qui ne peut pas et qui ne veut pas en profiter.

JENNY. — Je réfléchirai à cela, monsieur Jacques ! Soyez béni pour m’avoir dit une parole qui me fixe au moins sur quelque chose. Ah ! pourquoi madame, qui est si bonne et qui a tant d’esprit, ne m’a-t-elle jamais rien dit qui m’ait donné à réfléchir !… Adieu et merci, monsieur Jacques ; je ne sais pas si je pourrai me vaincre, mais au moins je pourrai prier Dieu et savoir ce que j’ai à lui demander ?




SCÈNE V


Dans la serre


FLORENCE, DIANE, GÉRARD.

DIANE, entrant avec Gérard. — Ne sortez pas, monsieur Florence, je veux faire connaissance avec vous. Écoutez, écoutez, venez par là. (À Gérard.) Je suis très-fatiguée ce matin, j’ai mal dormi. Je vais m’asseoir ici. Gérard, prenez la peine de contremander les chevaux ; si vous le voulez bien, nous ne sortirons qu’au coucher du soleil.

(Gérard sort.)