Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/153

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— Elle est parfaite, vous le voyez bien, puisqu’elle se prononce pour le mérite en se contentant de sa propre richesse.

Cela ne me paraît pas très-difficile, pensa Caroline ; mais elle ne voulut rien ajouter, et la marquise reprît : — D’ailleurs, une Xaintrailles ! songez-vous, ma belle, au prestige d’un pareil nom ? Ne voyez-vous pas qu’une personne de ce sang-là, quand elle est grande, ne peut pas l’être à demi ? Tenez, vous n’êtes pas assez convaincue de l’excellence qui nous vient de la race, j’ai cru m’en apercevoir quelquefois. Vous avez peut-être un peu trop philosophé là-dessus ! Méfiez-vous de ces préjugés nouveaux et des prétentions de messieurs les parvenus ! Ils auront beau dire et beau faire, un homme de rien ne sera jamais vraiment noble de cœur ; une tache originelle de prévoyance et de parcimonie étouffera toujours son élan. Vous ne le verrez jamais sacrifier sa fortune et sa vie pour une idée, pour sa religion, pour son prince, pour son nom… Il pourra faire des actions d’éclat par amour de la gloire ; mais ce sera toujours dans un intérêt personnel, n’en soyez point la dupe.

Caroline se sentit blessée de l’enivrement que la marquise professait pour le patriciat. Elle trouva moyen de changer de conversation ; mais durant le dîner, elle fut préoccupée de cette idée, que sa vieille amie, sa tendre mère adoptive, la reléguait sans façon dans les races secondaires. Elle avait cru pouvoir parler ainsi devant une fille de gentilhomme, adepte