Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ressée et bouleversée par son dévouement à une famille pauvre à laquelle je vois bien qu’elle se sacrifie, j’ai oublié mes projets d’économie et me suis engagée à lui donner les yeux de la tête.

— S’est-elle donc fait marchander ? demanda le marquis.

— Tout au contraire, elle s’arrangeait de ce que j’avais résolu de lui donner.

— En ce cas, vous avez bien fait, maman, et je suis heureux que vous ayez enfin une société digne de vous. Vous avez gardé trop longtemps cette vieille fille gourmande et dormeuse qui vous impatientait, et quand il s’agit de la remplacer par un trésor, vous auriez grand tort de compter ce qu’il en coûte.

— Oui, reprit la marquise, voilà ce que votre frère me dit aussi. Ni lui ni vous ne voulez compter, mes chers enfants, et je crains bien d’avoir été trop vite dans cette satisfaction que je me suis donnée.

— Cette satisfaction vous était nécessaire, dit le marquis avec vivacité, et vous devez d’autant moins vous la reprocher que vous avez cédé surtout au besoin de faire une bonne action.

— Je l’avoue, mais j’ai peut-être eu tort, répondit la marquise d’un air soucieux : on n’a pas toujours le droit de faire le bien !

— Ah ! ma mère ! s’écria le fils avec un mélange d’indignation et de douleur, quand vous en serez à ce point de vous refuser la joie de l’aumône, le mal que j’ai commis sera bien grand !