Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/189

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chez lui. Que faire ? appeler, chercher, avertir le duc, qui demeurait encore plus loin ?… Tout cela était trop long, et d’ailleurs, sous l’oppression de pareils avertissements, l’indécision n’est pas permise. Caroline mesura de l’œil la distance : c’étaient vingt pas de gazon à parcourir. Si des malfaiteurs avaient pénétré chez M. de Villemer, c’était par l’escalier de la tourelle du Griffon, qui faisait face à celle du Renard. Ces deux cages à degrés portaient le nom des emblèmes grossièrement sculptés sur le tympan des portes. L’escalier du Renard desservait de ce côté l’appartement de Caroline. Nul autre qu’elle ne pouvait arriver aussi vite, et sa seule approche pouvait faire lâcher prise aux égorgeurs. Dans la tourelle du Griffon se trouvait d’ailleurs la corde d’un petit beffroi. Elle se dit tout cela en courant, et elle avait fini de se le dire en arrivant à cette porte, qu’elle trouva ouverte. Le duc était sorti par là, se promettant de rentrer par là au jour sans faire crier les gonds, et ne croyant nullement aux brigands, race inconnue dans le pays.

Pourtant Caroline, confirmée d’autant plus dans cette imagination, monta d’un trait l’escalier de pierre en spirale. Là, elle n’entendit plus rien, avança dans le couloir et s’arrêta hésitante devant l’entrée de l’appartement du marquis. Elle se hasarda à frapper, on ne lui répondit pas. Il n’y avait certes pas d’assassins autour d’elle ; mais alors qu’était-ce donc que ces cris entendus ? Un accident quelconque, mais grave à coup sûr et qui réclamait de prompts secours. Elle poussa