Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/265

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— Ne pas te marier !… Eh bien ! ce serait là le pire ! Voyons, voyons ! laisse-moi donc me reconnaître ! C’est peut-être plus facile à digérer que cela n’en a l’air ! Ce n’est pas tant la naissance… Son père était chevalier : c’est mince ; mais enfin si c’était tout ! Il y a cette misère qui est venue tomber sur elle… Tu pourrais me dire que sans toi j’y serais tombée aussi, moi ; mais j’en serais morte, tandis qu’elle, elle a eu le courage de travailler pour vivre, et d’accepter une sorte de domesticité…

— Grand Dieu ! s’écria le marquis, lui feriez-vous une tache de ce qui est le mérite sublime de sa vie ?

— Non, non, pas moi ! reprit vivement la marquise au contraire ! mais le monde est si…

— Si injuste et si aveugle !…

— C’est encore vrai, et j’ai tort de m’en préoccuper. Allons ! puisque nous sommes dans les mariages d’amour, je n’ai plus qu’une objection à faire ! Caroline a vingt-cinq ans…

— Et moi j’en ai plus de trente-quatre à présent !

— Ce n’est pas cela. Elle est toute jeune, si son cœur est aussi pur, aussi neuf que le tien ; mais elle a aimé !

— Non. Je sais toute sa vie, j’ai causé avec sa sœur, elle a dû se marier, elle n’a jamais réellement aimé.

— Mais entre ce mariage manqué et le jour où elle est venue chez nous, il s’est passé des années…

— Je me suis informé. Je connais sa vie jour par