Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/351

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fallait retourner. Peyraque y mit de l’amour-propre, et demanda s’il était encore loin du village. On le remit dans la voie en lui disant qu’il y en avait pour une heure et demie, et comme les bêtes étaient chargées, qu’elles avaient chaud, qu’eux-mêmes étaient pressés d’arriver, ces montagnards n’offrirent aucune assistance et disparurent en se moquant un peu de la carriole. Caroline les vit s’effacer rapidement comme des ombres dans le brouillard.

Il fallait absolument laisser souffler le cheval, qu’un nouvel effort pour reprendre la voie escarpée avait épuisé. — Ce qui me console, dit Peyraque, très-affecté, c’est que vous ne vous plaignez de rien ! Il fait pourtant un gros froid, et je suis sûr que l’humidité a percé votre capote !

Caroline ne répondit que par un tressaillement. Une nouvelle ombre venait de passer sur la lisière du chemin, et c’était M. de Villemer. Il ne semblait pas voir la carriole, quoiqu’il la vît très-bien ; mais il voulait ne pas paraître se douter qu’elle portât des gens de sa connaissance. Il avançait avec une énergie extraordinaire et en affectant un air d’indifférence.

— C’est lui ! je l’ai vu ! dit Caroline à Peyraque. Il va où nous allons !

— Eh bien ! laissons-le passer, et retournons !

— Non ! je ne peux plus, je ne veux plus ! Il va mourir après une course pareille ! Il n’arrivera pas aux Estables. Suivons-le !

Il y avait tant d’autorité cette fois dans l’épouvante